Comment l'Etat nous prive gentiment de notre liberté

par Mathias Müller,* Suisse

(16 mai 2025) La politique se présente aux citoyens comme une amie et une aide. Mais il s'agit souvent d'une manœuvre perfide, comme le montre le nouvel Accord de coalition en Allemagne.

Mathias Müller.
(Photo mad)

J'ai pris la peine de lire le nouvel Accord de coalition en Allemagne, un document de l'Union (CDU/CSU) et du SPD qui, à première vue, semble technocratique, amical et raisonnable. Mais derrière cela se cache plus qu'une simple nouvelle politique sociale. Ce qui se profile ici, c'est une attaque silencieuse mais ciblée contre la responsabilité individuelle, la vie privée et l'idée d'un citoyen libre de ses choix.

Un passage est particulièrement révélateur. Il stipule que l'on examine «un budget familial annuel pour les aides quotidiennes aux familles avec des enfants en bas âge et/ou des proches dépendants, disposant de revenus faibles ou moyens, que nous rendrons accessible sous forme numérique».

Aide de voisinage classique, basée sur la confiance, avec grands-mères,
amis, voisins ou ... prestataires de services, organisés numériquement
via plateformes, dirigés par l'Etat, financés par les impôts? – Restons
vigilants. (Photo mad)

Ce qui semble anodin – comme une mise à jour moderne de l'entraide entre voisins – s'avère être la pierre angulaire d'un monde quotidien organisé de manière centralisée, avec l'Etat comme acteur central. Ces «aides» ne sont pas des grands-mères, des amis ou des voisins. Il s'agit de prestataires de services rémunérés, organisés via des plateformes, dirigés par l'Etat et financés par les impôts. Il est même prévu de mettre en place un budget familial annuel, bien sûr sous forme numérique.

Ce qui se met en place ici n'est pas une offre d'aide, mais un changement de système. Un remplacement insidieux de la solidarité volontaire qui s'est développée au fil du temps par une logique de service froide. L'aide devient une transaction. La relation devient une réservation. La communauté devient une organisation.

Officiellement, cela vise à lutter contre le travail au noir. Mais ce terme est une manœuvre politique trompeuse. Car ce qui est réellement criminalisé, ce n'est pas l'exploitation, mais l'aide autodéterminée. A l'avenir, toute personne qui apportera une aide privée sans passer par un portail agréé par l'Etat sera soupçonnée. Ce qui allait autrefois de soi – la voisine qui donne un coup de main, le grand-père qui garde les enfants – sera désormais considéré comme une zone grise. Ce n'est pas une erreur. C'est une stratégie.

Le confort plutôt que les interdictions

L'Etat ne se contente pas de remplacer les structures familiales, il prive progressivement les individus de leur capacité à s'organiser eux-mêmes. Non pas par des interdictions, mais par le confort. Non pas par la violence, mais par des services. Quiconque ne se sent plus capable de mener sa propre vie devient un client de l'Etat. Quiconque ne pense plus par lui-même est guidé. Ce qui est présenté comme un «allègement» n'est en réalité qu'un effacement des responsabilités.

Cette logique n'est pas nouvelle. Antonio Gramsci, penseur marxiste des années 1930, l'avait déjà compris: le pouvoir ne naît pas seulement de la politique, mais aussi de l'hégémonie culturelle. Qui change la pensée change le comportement. La famille, la religion, l'école – tout cela était pour lui un bastion bourgeois qui devait être remplacé. Non pas par une confrontation ouverte, mais en sapant les structures, en introduisant de nouveaux concepts et de nouveaux rituels. Et c'est exactement ce que nous observons aujourd'hui.

La famille classique est marginalisée, la responsabilité individuelle est qualifiée d'excessive, l'aide sociale est déléguée à des services. La cohabitation vivante se transforme en administration froide. L'être humain devient une unité dans le système de prise en charge – pris en charge, géré, contrôlé.

Cela ne concerne pas seulement l'Allemagne, mais aussi la Suisse. Les «aides au quotidien» ne sont pas un sujet marginal. Ils sont le prototype d'un Etat qui ne pose plus de questions, mais qui agit. Et qui définit de plus en plus le privé comme public.

Nous devons être vigilants, non seulement face aux interdictions, mais aussi face aux concepts. Face à des notions telles que «décharge», «prise en charge» ou «aide». Toute aide publique n'est pas une bénédiction. Quiconque souhaite conserver sa liberté doit être prêt à assumer des responsabilités – pour soi-même, pour autrui, pour sa propre vie.

Car quiconque laisse à l'Etat le soin d'organiser son quotidien finira par renoncer à sa langue, à ses valeurs et à sa conscience – avec le sourire. Et une aide financée par l'Etat à sa porte.

* Mathias Müller est officier de carrière dans l'armée suisse, auteur et podcasteur.

Source: https://schweizermonat.ch/wie-der-staat-uns-freundlich-entmuendigt/, 30 avril 2025

(Traduction «Point de vue Suisse»)

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