Proche-Orient

Le mois de mars commence à Gaza comme le mois de février s’est terminé – avec la mort et la destruction

par Karin Leukefeld*

(15 mars 2024) (CH-S) Karin Leukefeld – l’une des rares journalistes occidentales indépendantes dans la région – décrit en termes précis la situation inhumaine à Gaza. Elle donne régulièrement la parole à des civils directement concernés qu’elle connaît personnellement. Son rapport de début mars est bouleversant mais très informatif.

 

Karin Leukefeld
(Photo mad)

Le matin du 1er mars, les médias font leurs choux gras du «massacre de la farine», au cours duquel plus de 100 personnes venues chercher de l’aide et de la farine avaient été tuées la nuit précédente. L’armée israélienne avait ouvert le feu. Elle affirme n’avoir tiré que quelques coups de feu. Les gens se seraient piétinés les uns les autres.

Le 2 mars, des missiles tirés par un drone israélien ont détruit un abri de tentes non loin de l’hôpital Emirati à Rafah. Onze personnes qui avaient cherché refuge dans les tentes ont été tuées. Des enregistrements vidéo montrent les morts et les blessés graves allongés dans la rue. Du sang partout. Un garçon qui a reconnu l’une des victimes et qui court vers le mort est pris dans les bras d’un autre homme qui l’emmène. Le verre de l’hôpital s’est brisé après une forte explosion, explique un témoin oculaire devant une caméra. Puis un incendie s’est déclaré. Des centaines de personnes ont trouvé refuge à l’hôpital Emirati.

La nuit suivante, le 3 mars, des frappes aériennes israéliennes eurent lieu sur des maisons d’habitation à Rafah. Dans la maison de la famille Abu Anza, 14 personnes ont été tuées. Le Dr Marwan al-Hams, d’un hôpital voisin, a indiqué que 6 enfants et 4 femmes figuraient parmi les morts. Rania Abu Anza a perdu cette nuit-là son mari et ses jumeaux, âgés de quatre mois seulement. Cela faisait dix ans que le couple attendait en vain une descendance. La naissance des jumeaux – Naeim, le garçon, et Wissam, la fille – n’avait été possible qu’après que le couple ait opté pour une fécondation in vitro. «Qu’ont fait ces bébés?», demande la mère aux caméras qui immortalisent sa souffrance. «Répondez-moi, les gars, répondez-moi! Vous ne ressentez rien pour nous. Que faites-vous ici? Nous observer?»

Un peu plus tard, les images montrent un homme bouleversé se tenant à côté des morts enveloppés dans des linceuls. «Au jour du jugement dernier, ces enfants seront vos adversaires», crie-t-il. «Cela s’applique à tous, vous les dirigeants arabes, ils seront vos adversaires. Que Dieu nous venge sur vous.»

Camp de réfugiés de Jabalia à Gaza. Bombardé deux fois en 24 heures.
(Photo NBC News, 31 octobre 2023)

Mi-février, après une longue interruption, une nouvelle lettre du père de famille de Gaza est arrivée. Sa lettre était datée du lundi 12 février, à 6h20 du matin.

«La nuit a été très agitée. Tout le temps, nous entendions les bruits des IL. Des attaques et des explosions.» (Quand il écrit IL, il veut dire «israéliens», kl). C'est pourquoi nous n’avons presque pas dormi... et puis nous avons entendu aux informations ce qui se passait. Rafah a été bombardée et deux otages des IL ont été libérés dans le cadre d’une opération des IL en ville de Rafah. De nombreux civils palestiniens ont été tués ... Principalement des femmes et des enfants ... Sommes-nous tous que des dommages collatéraux? Avons-nous moins de valeur que la personne d’à côté ou que les Ukrainiens!!! Notre sang est-il si savoureux que les vampires veulent constamment en boire ... Notre sang est-il addictif? Je me sens toujours mal, les larmes coulent ... Quand je vois les images d’enfants blessés ou assassinés ... Mon âme souffre … Je suis déprimée et mélancolique … Je suis en rage, fâchée, déçue, triste et très en colère ... et je me pose constamment la question: pourquoi?

Existe-t-il une justification ou une raison sensée? Ou, pour le dire autrement, peut-on justifier de tels événements? Selon les données internationales, 81 journalistes ont été tués jusqu’à présent dans la guerre contre Gaza. Le nombre le plus élevé dans une guerre en si peu de temps. Pourquoi? Pour quelle raison? Qui en porte la responsabilité?

Je suis contre ce qui s’est passé le 07/10/2023. Cela n’aurait pas dû arriver!!! Mais cela donne-t-il le droit au pays voisin de nous traiter de la sorte? De nous traiter tantôt de terroristes, tantôt d’animaux? Peut-on qualifier tout ce que les IL ont fait jusqu’à aujourd’hui de droit à l’autodéfense? Que dit le droit international à ce sujet? Nos convictions religieuses nous enseignent que nous devons mourir un jour et que personne ne sait quand son heure arrivera. Mais il y a une différence dans la manière dont on meurt. Attaque, faim et soif, accident, mort naturelle, etc.? Bien sûr, cela ne signifie pas que je me mette en danger et que je dise que c’est mon destin ...

Ma fille de 11 ans m’a demandé pourquoi cela se produisait? Pourquoi les chefs de gouvernement regardent et n’imposent pas un arrêt à cette «injustice» délirante? La réponse me dépasse, car je ne sais vraiment pas ce que je dois/peux/devrais lui dire?

Une autre réflexion. Le ministre de la Guerre IL parle de l’avenir du pays IL, que c’est son droit et son devoir de mener cette guerre. Mais qu’en est-il de mon avenir et de celui de ma famille? Pourquoi veut-il, pourquoi peut-il prendre cette décision pour nous? Pourquoi? Avec quelle justification? Pourquoi IL peut-il faire tout cela? Le chemin de la paix est le plus court, mais il est semé d’embûches. C’est là qu’il vaut la peine de se battre.»

Une seconde lettre

Le 22 février, le père de famille s’est à nouveau manifesté. Sa lettre commence par les mots «Salam, Shalom – Paix».

«C’était une très mauvaise nuit, c’était/c’est absolument dramatique. Nous avons presque dû quitter à nouveau nos abris d’urgence. Beaucoup ont quitté leurs tentes pendant la nuit et se sont dirigés à pied vers les écoles de l’UNRWA, un trajet de 3 km. C’est vraiment très, très grave, terrible, catastrophique, inconcevable, incroyable, ce qu’on nous fait et ce qu’on continue à nous faire. Et le Conseil de sécurité (de l’ONU) est devenu le jouet des Etats-Unis. Ils utilisent toujours leur droit de veto, encore et encore. Hier, 13 pays étaient favorables à la fin de la guerre. La Grande-Bretagne s’est abstenue et les Etats-Unis? Ils disent non, veto. La grande puissance américaine est impliquée dans le meurtre ciblé de nos civils innocents, elle est complice de tous ces morts. Chaque seconde, nous vivons avec la peur d’être touchés. Je n’oublierai jamais cela, envers les chefs de gouvernement. C’est ce qui me met en colère, me désole, m’attriste, me déçoit et me fait perdre courage. Etre à la merci, impuissant et sans défense. C’est ce qui me désole le plus. Car les 2,5 millions de personnes dans cette bande de Gaza ne méritent pas ça. Quelle est notre faute?»

La faim comme arme

Le père de famille de Gaza écrit sur la fréquence avec laquelle les Etats-Unis utilisent leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU. En réalité, les Etats-Unis abusent de leur veto au Conseil de sécurité de l'ONU pour laisser les mains libres à Israël à Gaza. Continuer à soutenir Israël dans cette guerre, c’est se rendre complice des crimes de guerre israéliens contre les Palestiniens, affirme l’ancien directeur du bureau new-yorkais du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Craig Mokhiber. Il a démissionné de son poste fin octobre en signe de protestation. (Globalbridge.ch a parlé en détail de Craig Mokhiber.1 Réd.)

Richard Falk, rapporteur spécial de longue date de l’ONU pour les territoires palestiniens occupés et professeur émérite de droit international (Université de Princeton), déclare: «A Gaza, l’Occident permet le génocide le plus transparent de l’histoire de l’humanité2

14 mars 2024. L'armée israélienne bombarde une maison dans le
camp de réfugiés d'Al Bureij, à Gaza Deir al Balah. Au moins neuf
membres d'une même famille sont tués, dont cinq enfants.
(Photo www.aljazeera.com)

Quand mon pays commet un génocide

Le matin du 25 février, Aron Bushnell, 25 ans, membre du service actif de l’armée de l’air américaine, a posté un lien vidéo sur sa page Facebook. «Beaucoup d’entre nous se demandent que ferais-je, si j’avais vécu à l’époque de l’esclavage? Ou dans le Sud à l’époque des lois Jim Crow? Ou pendant l’apartheid? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide?» La réponse, selon Aaron Bushnell, est: «Tu le fais. Maintenant.»

Il a envoyé une copie de ses dernières volontés à un ami et a demandé de donner son chat à son voisin pour qu’il s’en occupe. Vers 13 heures, Bushnell s’est dirigé vers l’ambassade israélienne à Washington D.C. Vêtu de son uniforme de l’armée de l’air, il a enclenché la diffusion en direct sur son téléphone portable et s’est présenté: «Je suis un membre actif de l’armée de l’air des Etats-Unis et je ne veux plus être impliqué dans le génocide. Je vais exercer une forme extrême de protestation, mais comparée à ce que vivent les gens en Palestine à cause de leurs colonisateurs, ce n’est pas du tout extrême.»

Peu après, Bushnell, placé devant la portail de l’ambassade israélienne, s’est aspergé d’essence et a mis le feu. «Free Palestine», a-t-il crié en brûlant. «Free Palestine», jusqu’à ce qu’il tombe à terre. Il est décédé quelques heures plus tard à l’hôpital.

Dans les médias allemands, la protestation contre le génocide américain à Gaza a à peine valu une brève. La chaîne américaine Democracy Now a parlé d’Aaron Bushnell avec un de ses amis et avec Ann Wright, colonel à la retraite de l’armée américaine et aujourd’hui active au sein des Vétérans pour la paix et de «Code Pink».3

Les Etats-Unis octroient un «permis de tuer» à Israël

Le blocage américain au Conseil de sécurité de l’ONU permet à Israël de poursuivre son massacre dans la bande de Gaza. A trois reprises, Washington a empêché par son veto des projets de résolution pour un cessez-le-feu immédiat et continue de livrer des armes et des munitions aux forces armées israéliennes. Tout comme l’Allemagne.

Dernièrement, Washington a présenté un projet de résolution appelant à un «cessez-le-feu le plus rapidement possible» à condition que les otages israéliens à Gaza soient libérés. Washington octroie à Israël un «permis de tuer des civils palestiniens», a critiqué l’ambassadeur russe à l’ONU Vasily Nebenzya à propos du projet de résolution. Washington veut continuer à faire du Conseil de sécurité de l’ONU un «parapluie» au-dessus de l’opération (militaire) israélienne dans cette bande côtière, a déclaré Nebenzya. Il a demandé aux autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU de ne pas soutenir cette «démarche destructrice».

Le débat au Conseil de sécurité de l’ONU a eu lieu le 27 février. Des collaborateurs du Programme alimentaire mondial (PAM), du Bureau de coordination des Nations Unies pour l’aide humanitaire (OCHA) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont été invités à faire part au Conseil de sécurité de l’ampleur d’une famine imminente dans la bande de Gaza. Ils ont parlé de boulangeries et de fermes détruites et du fait que les enfants étaient forcés à manger de l’herbe et de la nourriture pour animaux car leurs parents ne trouvaient plus d’autre nourriture. Les trois collaborateurs de l’ONU ont appelé à un cessez-le-feu immédiat.

Si rien ne change, la famine menace le nord de la bande de Gaza, a averti le directeur adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM). Au moins 576 000 personnes dans la bande côtière sont confrontées à des «privations catastrophiques et à la faim», a ajouté le directeur adjoint de l’Agence humanitaire des Nations Unies (OCHA). Le directeur adjoint de la FAO a déclaré que la cessation des hostilités était l’étape la plus importante pour éliminer le risque de famine. L’«espace humanitaire» doit être rétabli afin de garantir une aide vitale et le rétablissement des services de base en matière d’eau et d’électricité, a-t-il ajouté.

L’ambassadeur d’Israël à l’ONU a accusé l’ONU d’être elle-même responsable de la misère. Israël approuve la plupart des demandes d’aide et il n’y a «aucune limite» à l’ampleur de l’aide apportée à la population de Gaza, a déclaré le représentant israélien. «Ce sont les faits, personne ne peut affirmer le contraire.» A Gaza, vingt boulangeries produisent actuellement plus de deux millions de pains pita par jour. Quiconque prétend autre chose propage les mensonges du Hamas et détourne l’attention de sa propre incapacité à distribuer efficacement de l’aide, a déclaré l’ambassadeur israélien. Et d’ajouter: Israël n’arrête aucun camion à la frontière. Les retards sont dus à l’incompétence de l’ONU.

Le représentant de la Tunisie a reproché à Israël de ne pas laisser passer les camions avec des produits de premier secours. Le représentant de l’Algérie a accusé Israël d’utiliser «la faim comme arme de guerre».

Le comité s’est séparé sans prendre de décision.4

(Photo Mohammed Abed, AFP)

Attaque contre les affamés

Dans la nuit du 28 au 29 février, un convoi sous contrôle israélien était annoncé pour un lieu situé au sud-ouest de la ville de Gaza. De nombreuses personnes s’y sont précipitées pour être présentes lors de la distribution des paquets d’aide. Mais lorsque les camions sont arrivés, les soldats israéliens ont ouvert le feu, ont rapporté des témoins qui ont été soignés dans les hôpitaux le lendemain matin et qui ont pu parler aux journalistes sur place. «Nous voulions obtenir de la farine, mais l’armée israélienne a tiré sur nous. Il y a eu de nombreux morts, nous avons tenté de les enlever de là. Il n’y a pas de premiers secours.»

«C’était un crime», a déclaré un homme à la chaîne d’information palestinienne Qods. Il attendait depuis le soir. Lorsque les camions sont arrivés vers 4h30 du matin, les gens se sont précipités vers eux. Des chars et des avions de combat israéliens auraient alors tiré sur les gens, selon l’homme: «C’était un piège.»5

L’armée israélienne a indiqué avoir tiré «quelques coups de feu». Les soldats se seraient sentis «menacés» par les gens. Beaucoup auraient été «piétinés à mort» dans la panique, d’autres auraient été écrasés par les camions, a expliqué le porte-parole des forces israéliennes, Daniel Hagari.6 Quoi qu’il se soit passé, 104 personnes ont été tuées et présentaient des blessures par balle, selon les médecins des hôpitaux environnants.

Bombes et rations de nourriture

L’indignation internationale a été grande, Israël doit ouvrir une «enquête complète» pour faire la lumière sur ce qui s’est passé, a déclaré la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock. Elle a appelé à un cessez-le-feu humanitaire. L’armée américaine a annoncé – comme la Jordanie et l’Egypte – le largage aérien de paquets d’aide pour les personnes. Les humanitaires ont été unanimes à dire que cette aide ne servirait à rien. Seuls des convois humanitaires pourraient apporter l’aide dont les gens ont besoin. Mais pour cela, un cessez-le-feu est nécessaire.

Afin d’aider les habitants de Gaza, l’armée américaine a lancé une opération d’aide de grande envergure pour Gaza et a largué des paquets d’aide. 38 000 rations alimentaires «prêtes à manger» ont été larguées, a-t-on appris dans un communiqué de presse. Un tel repas suffit à une personne pour une journée.

Pour la population de Gaza, les horreurs se succèdent. Pas d’endroit sûr, des attaques continues des forces israéliennes, des personnes portant des drapeaux blancs sont abattues tout comme celles qui tentent de s’emparer d’un sac de farine ou d’un paquet d’aide humanitaire. Les livraisons d’aide sont bloquées aux points de passage de Rafah et de Kerem Shalom, au sud de la bande de Gaza, par des contrôles opaques des autorités israéliennes. A cela s’ajoutent des colons extrémistes qui bloquent le point de passage de Kerem Shalom et le port d’Ashdod afin de stopper les livraisons d’aide «aux Hamas».7

Dans un reportage de la chaîne d’information américaine CNN, des employés d’organisations humanitaires internationales témoignent de l’action des autorités de contrôle israéliennes. Le COGAT, l’autorité israélienne chargée de contrôler les livraisons dans la bande de Gaza, agit de manière arbitraire et selon des critères parfois contradictoires avec ceux d’autres autorités israéliennes – notamment les douanes et la police.8 Les collaborateurs d’organisations humanitaires, qui se sont tous exprimés de manière anonyme, ont présenté à la chaîne des listes de marchandises que les Israéliens ne laissent pas passer. On y trouvait des médicaments contre l’anémie et des inhalateurs, des cylindres d’oxygène, des ventilateurs, des systèmes de purification de l’eau. Des dattes, des sacs de couchage, des médicaments contre le cancer, des comprimés de purification de l’eau et des paquets pour les futures mères contenant des équipements pour les nouveau-nés et des articles d’hygiène sont également bloqués. Des déambulateurs, des panneaux solaires, des générateurs et des fauteuils roulants figurent également sur la liste.

L’autorité israélienne COGAT s’est plainte après la diffusion du reportage de CNN. Les informations qui y sont données sont «fausses» et le reportage n’aurait pas dû être diffusé.

Karim, 15 ans, regarde son quartier en ruine.

Plus de 9000 femmes tuées en Palestine

Peu avant la Journée internationale de la femme (8 mars), Hala Hanina, militante féministe de Gaza, attire l’attention sur la situation des femmes. L’organisation des Nations Unies pour les femmes UNFEM a présenté un rapport selon lequel au moins 9000 femmes ont été tuées lors attaques israéliennes depuis le 7 octobre 2023.9 Ce chiffre est incomplet, selon l’UNFEM. De nombreuses femmes et jeunes filles tuées seraient encore enterrées sous les décombres. Chaque jour, 63 femmes en moyenne seraient ainsi tuées, dont 37 mères, laissant derrière elles leurs enfants et leurs familles.L’organisation «Euro-Med Human Rights Monitor» rapporte que des Palestiniennes ont été soumises à des violences sexuelles, des tortures, des traitements inhumains, des fouilles corporelles et des menaces de viol lors de leur détention militaire israélienne.

Au milieu de la dévastation du quartier de Tal al-Hawa à Gaza, Karim, 15 ans, regarde son quartier en ruine et serre son chat dans ses bras. «Je ne laisserais pas Karaz dans les décombres. C'est ma seule amie maintenant, et je vais bien m'occuper d’elle», dit-il. (Photo © UNICEF/UNI453264/El Baba)

Les menaces et les coups venaient de soldats masculins et féminins10 qui les photographiaient avec leurs téléphones portables pendant les tortures, ont rapporté les femmes.

Hala Hanina, la jeune femme de Gaza, parle des femmes de Gaza dans une courte vidéo sur un canal Instagram et demande aux féministes du monde entier si elles peuvent donner un seul nom des femmes qui ont été tuées à Gaza depuis octobre.11 Un million de femmes et de jeunes filles subissent des souffrances et des violences insupportables, les femmes enceintes doivent donner naissance à leurs enfants par césarienne sans anesthésie, subir des amputations sans anesthésie, elles sont devenues veuves, leurs enfants ont été tués sous leurs yeux. Si les féministes n’étaient pas au courant de cela et si oui, pourquoi ne font-elles rien contre cela? «Comment pouvez-vous vous dire féministes?», demande Hala Hanina.

Aucune n’a hurlé lorsque l’ONU a publié son rapport sur la torture des femmes palestiniennes. «Les femmes sont déshabillées de force, soumises à des contraintes sexuelles, doivent se laisser photographier sans le vouloir, sont maintenues dans des cages, insultées, battues», poursuit Hanina. Les agresseurs seraient également des soldates israéliennes. «Elles ont l’air si charmantes quand elles prennent des selfies avec des gueules de canard devant les ruines de nos maisons. Et elles sont si cruelles.»

Selon le ministère de la Santé de Gaza, le nombre de Palestiniens tués depuis le 7 octobre 2023 est passé à 30 228 (état au 1er mars 2024). Selon la même source, le nombre de blessés s’élève à 71 377 Palestiniens. Al Jazeera a compilé les noms et les visages de plus de 140 Palestiniens et Palestiniennes tués chaque jour du blocus israélien contre Gaza.12

Addendum de 13h30: une nouvelle lettre du père de famille de Gaza

«Lundi, 04/03/2024. Il est 7 heures.

Bonjour chères amies et chers amis,

Les attaques IL continuent avec acharnement contre la vie dans la bande de Gaza …

Sans arrêt. Sans fin en vue. Ces attaques IL nous épuisent. Nous vivons tous chaque seconde avec la peur d’être touchés. Et pour le monde extérieur, pour les chefs de gouvernement et les présidents du monde entier, notre vie ne vaut rien. Sinon, ils se seraient déjà engagés pour la fin de la guerre. D’un côté, IL est soutenu militairement par les Etats-Unis (et d’autres pays également) et au Conseil de sécurité de l’ONU, le droit de veto pour protéger IL est utilisé par les Etats-Unis. Et d’autre part, des colis alimentaires nous sont largués par les airs par des avions américains. Comme s’ils s’inquiétaient pour nous.

Il y a un proverbe arabe qui dit: «D’abord il le tue, puis il participe au service funèbre.» Comme s’il n’avait rien fait, comme s’il était innocent, comme s’il n’était au courant de rien. Comment qualifier cela? C’est absolument macabre. C’est de l’hypocrisie!

La famine menace plusieurs centaines de milliers de personnes dans le nord de la bande de Gaza, dont toute ma grande famille. Et la communauté mondiale observe. Elle ne fait rien pour y remédier. Non, elle continue à soutenir le coupable, sinon un cessez-le-feu aurait déjà été conclu.

Est-ce ainsi que l’on sauve des vies humaines? Est-ce ainsi que l’on rend notre dignité inviolable? Est-ce ainsi que l’on préserve les droits humains, qui sont des valeurs universelles pour toute personne! Réveillez-vous, s’il vous plaît! L’injustice a atteint ses limites. Et tout se passe sous les yeux et les oreilles du monde entier. Pourtant, rien de sérieux n’est entrepris pour forcer l’arrêt de cette folie. Personne ne peut et ne doit dire qu’il/elle ne savait pas. Ils sont tous complices et deviennent complices s’ils ne font rien pour empêcher cela. Chacun(e) peut déjà faire beaucoup de choses. Mais il semble que nous ne soyons pas importants pour vous tous.

Ecrivez aux responsables politiques, appelez-les et exigez un cessez-le-feu immédiat!

L’officier américain (pilote) qui s’est immolé par le feu devant l’ambassade d’IL aux Etats-Unis en signe de protestation contre la guerre dans la bande de Gaza, a perdu la vie. Je suis vraiment désolé et je suis contre, il n’aurait pas dû faire cela!

D’un autre côté, quelle personne remarquable, quel courage il a eu! Il a sacrifié sa vie pour que les Américains, la population mondiale, se réveillent. Mais la guerre contre la population civile se poursuit avec acharnement. La fin n’est toujours pas en vue. Nous déplorons à présent plus de 30 000 morts et environ 10 000 personnes sont présumées disparues sous les décombres. Plus de 70 000 personnes ont été blessées. La plupart sont des enfants et des femmes. La quantité d’explosifs larguée sur la bande de Gaza équivaut à plusieurs bombes atomiques.

La Cour internationale de justice a déjà pris une décision, mais IL est également au-dessus de la Cour et ne suit pas les ordres. Combien de personnes doivent encore être assassinées pour que la guerre prenne enfin fin? Que doit-il encore se passer pour que la conscience des chefs de gouvernement et des présidents se réveille et qu’ils mettent fin à cette guerre?

Et si on essayait quelque chose de différent. Peut-être d’oser plus de paix, peut-être d’aspirer à la fin de l’occupation. Comment serait un nouveau départ sur un pied d’égalité. Avec un respect et une acceptation mutuels de l’autre. Pour que la paix réelle puisse s’installer et que la justice l’emporte. Et que tout le monde soit gagnant. Cela ne vaudrait-il pas la peine d’essayer?

Je pense, que c’est la seule façon de résoudre le conflit.

Je vous remercie. Salam et Shalom.»

* Karin Leukefeld a fait des études d'ethnologie ainsi que des sciences islamiques et politiques et a accompli une formation de libraire. Elle a travaillé dans le domaine de l'organisation et des relations publiques, notamment pour l'Association fédérale des initiatives citoyennes pour l'environnement (BBU), pour les Verts allemands (parti fédéral) et pour le Centre d'information sur le Salvador. Elle a également été collaboratrice personnelle d'un député du PDS au Bundestag (politique étrangère et aide humanitaire). Depuis 2000, elle travaille comme correspondante indépendante au Moyen-Orient pour différents médias allemands et suisses. Elle est également auteur de plusieurs livres sur son vécu dans les zones de guerre du Proche et du Moyen-Orient.

Source: https://globalbridge.ch/der-maerz-in-gaza-beginnt-wie-der-februar-geendet-hat-mit-tod-und-zerstoerung/ 4 mars 2024

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 https://globalbridge.ch/herr-hochkommissar-wir-haben-erneut-versagt/

2 https://euromedmonitor.org/en/article/6184/In-Gaza,-the-west-is-enabling-the-most-transparent-genocide-in-human-history

3 https://www.democracynow.org/2024/2/28/aaron_bushnell_self_immolation_gaza_protest

4 https://news.un.org/en/story/2024/02/1146997

5 https://www.aljazeera.com/news/2024/2/29/dozens-killed-injured-by-israeli-fire-in-gaza-while-collecting-food-aid#:~:text=More%20than%20100%20Palestinians%20have,faces%20an%20unprecedented%20hunger%20crisis

6 https://www.swissinfo.ch/eng/israeli-military-review-of-gaza-aid-convoy-deaths-finds-most-killed-in-stampede/73293461

7 https://www.aa.com.tr/en/middle-east/extremist-jewish-settlers-persist-in-attempt-to-block-humanitarian-aid-to-gaza/3128635

8 https://edition.cnn.com/2024/03/01/middleeast/gaza-aid-israel-restrictions-investigation-intl-cmd/index.html

9 https://www.unwomen.org/en/news-stories/press-release/2024/03/press-release-9000-women-have-been-killed-in-gaza-since-early-october

10 https://euromedmonitor.org/en/article/6188/In-testimonies-to-Euro-Med-Monitor,-women-from-Gaza-report-being-subjected-to-sexual-violence,-torture-by-Israeli-forces

11 https://www.instagram.com/reel/C322f39N-JE/

12 https://www.youtube.com/watch?v=O5dyG811hbE

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